jeudi 25 août 2011

Antimanuel d'économie [Bernard Maris]

Mon blog chante la Cigale. Contrairement à la fable de La Fontaine, la mienne, avec toute ma gratitude à Gaz de France (un autre immigré originaire de l'Afrique du nord, comme le Sahara Algérien ou Libyéen), hivers comme été, n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté.

Mais, Ma Cigale n'est ni dupe ni coupée de la réalité. Elle vous conseille cet Antimanuel d'Economie qui vous montre que la morale de la fable de La Fontaine, par la fourmi besogneuse, participe à rendre naturel et normal le capitalisme esclavagiste d'aujourd'hui et vous ouvre les yeux à la nécessité de la Cigale, c'est-à-dire à la Création.

Les lecteurs qui le souhaitent, comme Oncl'Bernard le propose, je peux partager avec eux une version numérique du tome 1, les fourmis. Vous n'avez qu'à me laisser une adresse courriel (comme disent nos amis Québécois).


vendredi 19 août 2011

Voyage du Condottière [André Suarès]

Je ne peux continuer ma lecture actuelle sans partager cet extrait du chef-d'oeuvre d'André Suarès qu'il avait écrit en 34 années. Je vous invite à le lire.


Le voyageur est encore ce qui importe le plus dans un voyage. Quoi qu'on en pense, tant vaut l'homme, tant vaut l'objet. Car enfin qu'est-ce que l'objet sans l'homme? Voir n'est point commun. La vision est la conquête de la vie. On voit toujours, plus au moins, comme on est. Le monde est plein d'aveugles aux yeux ouverts sur une taie; en tout spectacle, c'est leur cornée qu'ils contemplent, et leur taie grise qu'ils saisissent.

Les idées ne sont rien, si l'on ny trouve une peinture des sentiments, et les médailles que toutes les sensations ont frappées dans un homme.

Comme tout ce qui compte dans la vie, un beau voyage est une oeuvre d'art : une création. De la plus humble à la plus haute, la création porte témoignage d'un créateur. Les pays ne sont que ce qu'il est. Il n'est de véritable connaissance que dans une oeuvre d'art. Toute l'histoire est sujette au doute. La vérité des historiens est une erreur infaillible. Qui voyage pour prouver des idées, ne fait point d'autre preuve que d'être sans vie, et sans vertu à la susciter.

Un homme voyage pour sentir et pour vivre. A mesure qu'il voit du pays c'est lui-même qui vaut la peine d'être vu. il se fait chaque jour plus riche de tout ce qu'il découvre. voilà pourquoi le voyage est si beau quand on l'a derrière soi : il n'est plus et l'on demeure! C'est le moment où il se dépouille. Le souvenir le décante de toute médiocrité. Et le voyageur, penché sur sa toisond'or, oublie toutes les ruses de la route, tous les ennuis et peut-être même qu'il a épousé Médée.

dimanche 7 août 2011

Supplique pour être enterré à la plage de Sète [Brassens]

Qu'on soit de Béarn, d'Isère ou de Kabylie, passé un certains âge à Paris, malgré tous les problèmes d'audition hérités de sa mère qui en ces temps n'a plus pied six pieds sous terre, l'appel de son délaissé lopin de terre, hérité celui-ci de son vieux-paternel qui par le souvenir demande une bouée au risque de se noyer dans la rancune où on l'a jeté, se fait lancinant:

"Tu seras toujours étranger au Père-La-chaise
Tu as vécu exilé, ne laisse pas ta mort assise entre deux chaises,
puisque La-montagne, c'est là où on ne vit jamais,
laisse-la être, là où on se repose à jamais"


La Camarde qui ne m'a jamais pardonné,
D'avoir semé des fleurs dans les trous de son nez,
Me poursuit d'un zèle imbécile.
Alors cerné de près par les enterrements,
J'ai cru bon de remettre à jour mon testament,
De me payer un codicille.

Trempe dans l'encre bleue du Golfe du Lion,
Trempe, trempe ta plume, ô mon vieux tabellion,
Et de ta plus belle écriture,
Note ce qu'il faudra qu'il advint de mon corps,
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d'accord,
Que sur un seul point : la rupture.

Quand mon âme aura pris son vol à l'horizon,
Vers celle de Gavroche et de Mimi Pinson,
Celles des titis, des grisettes.
Que vers le sol natal mon corps soit ramené,
Dans un sleeping du Paris-Méditerranée,
Terminus en gare de Sète.

Mon caveau de famille, hélas ! n'est pas tout neuf,
Vulgairement parlant, il est plein comme un œuf,
Et d'ici que quelqu'un n'en sorte,
Il risque de se faire tard et je ne peux,
Dire à ces braves gens : poussez-vous donc un peu,
Place aux jeunes en quelque sorte.

Juste au bord de la mer à deux pas des flots bleus,
Creusez si c'est possible un petit trou moelleux,
Une bonne petite niche.
Auprès de mes amis d'enfance, les dauphins,
Le long de cette grève où le sable est si fin,
Sur la plage de la corniche.

C'est une plage où même à ses moments furieux,
Neptune ne se prend jamais trop au sérieux,
Où quand un bateau fait naufrage,
Le capitaine crie : "Je suis le maître à bord !
Sauve qui peut, le vin et le pastis d'abord,
Chacun sa bonbonne et courage".

Et c'est là que jadis à quinze ans révolus,
A l'âge où s'amuser tout seul ne suffit plus,
Je connu la prime amourette.
Auprès d'une sirène, une femme-poisson,
Je reçu de l'amour la première leçon,
Avalai la première arête.

Déférence gardée envers Paul Valéry,
Moi l'humble troubadour sur lui je renchéris,
Le bon maître me le pardonne.
Et qu'au moins si ses vers valent mieux que les miens,
Mon cimetière soit plus marin que le sien,
Et n'en déplaise aux autochtones.

Cette tombe en sandwich entre le ciel et l'eau,
Ne donnera pas une ombre triste au tableau,
Mais un charme indéfinissable.
Les baigneuses s'en serviront de paravent,
Pour changer de tenue et les petits enfants,
Diront : chouette, un château de sable !

Est-ce trop demander : sur mon petit lopin,
Planter, je vous en prie une espèce de pin,
Pin parasol de préférence.
Qui saura prémunir contre l'insolation,
Les bons amis venus faire sur ma concession,
D'affectueuses révérences.

Tantôt venant d'Espagne et tantôt d'Italie,
Tous chargés de parfums, de musiques jolies,
Le Mistral et la Tramontane,
Sur mon dernier sommeil verseront les échos,
De villanelle, un jour, un jour de fandango,
De tarentelle, de sardane.

Et quand prenant ma butte en guise d'oreiller,
Une ondine viendra gentiment sommeiller,
Avec rien que moins de costume,
J'en demande pardon par avance à Jésus,
Si l'ombre de sa croix s'y couche un peu dessus,
Pour un petit bonheur posthume.

Pauvres rois pharaons, pauvre Napoléon,
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon,
Pauvres cendres de conséquence,
Vous envierez un peu l'éternel estivant,
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant,
Qui passe sa mort en vacances.

Vous envierez un peu l'éternel estivant,
Qui fait du pédalo sur la plage en rêvant,
Qui passe sa mort en vacances.