samedi 26 mai 2012

Le souffle le plus long...

Une page est en train d'être écrite au Québec... Admirons, puisqu'on ne connait que l'admiration... En attendant l'inspiration... . ETC.


Discours pour
l’augure d’un temps
nouveau 


Bonjour, je me présente, Fermaille Tremblay, première du nom, symbole de la révolution étudiante, charriant l’amour de l’éducation et des gens qui la font. Je vous le dis amis, festudiants, jeunesse de ce monde, femmes hommes et enfants, vieillards et nouveaux-nés, virulente présence camaradesque; amours éperdus venus d’hier, participant là-bas, déjà, au jour comme une histoire où la hausse s’étonna d’elle-même et foutit le camp, émue du nombre. Amis, festudiants, jeunesse immuable, frayeurs des chemins, nous-mêmes qui possédons le printemps à bout de bras sommes aujourd’hui forcés de constater que nous manifestons à bout d’âme depuis huit semaines et ne sommes rien d’autre que les assoiffés du jour que nous étions en naissant.

Ce système et sa loi du « qui le vendra l’aura », on en a soupé. Nous choisissons de ne pas attendre que le ciel s’indigne pour nous prouver qu’un changement majeur ne passe pas toujours par la catastrophe irréversible :
- Voyons, où nous en sommes, à débrider le sens de notre devenir.
- Voyons, dans la révolution, notre inassouvissable appétit d’un monde meilleur.
- Munis d’un NOUS, rassemblés, voyons ce que le rêve nous permet.

J’énumère ici ce qu’au terme de la grève, le Québec d’après la victoire est destiné à être:

      1. Le Kébek sera un Kébek Étudiant vibrant de toute sa jeunesse folle. On l’aura vu naître depuis un Printemps Érable enraciné dans l’indignation et la quête de justice sociale. Nous connaîtrons sa pleine liberté, celle qu’on attend depuis trois siècles, et ce sera notre très grande faute.
      2. Le Kébek Étudiant se révèlera source d’une inspiration internationale et féconde partout dans le monde; il transformera les propriétaires en coopérants, les voraces en visionnaires, les asservis en rêveurs. Les idées folles seront reçues au parlement comme les seules valables.
      3. Au Kébek Étudiant, l’infantilisation dont nous sommes les victimes aujourd’hui ne sera plus pensable. Les paternalistes de ce monde se regarderont une fois pour toutes dans le miroir et constateront leur condescendance. Dès lors, nous marcherons avec eux, côte à côte, à la hauteur d’un regard franc.
      4. Ce Printemps mènera au pays de Kébek Étudiant, libre et souverain. Les réverbérations de notre affirmation identitaire seront à l’origine d’une transformation généralisée en Occident.
      5. Au Kébek Étudiant, nous ne parlerons plus de 1837 et des patriotes comme d’une défaite, mais plutôt comme du premier pas de la Grande Histoire de la libération du Québec ; 1837-2012.
      6. Par le fait même, le Kébek Étudiant renforcera son statut de symbole de la résistance culturelle en Amérique. Les puissances mondiales seront seules laissées à leurs névroses capitalistes soliloquant dans une langue de fin des temps.
      7. Au Kébek Étudiant, nous nous forgerons une fierté démesurée; nos penseurs, nos professeurs et nos artistes seront notre bien gardé. Ils nous formeront à leur image avec une envie irrésistible de transmettre leur savoir et leur talent. L’octave du don collectif s’élèvera en chacun de nous. Les récalcitrants finiront par céder à l’attractivité d’un projet commun.
      8. La femme aura son monument, sa statue, plus haute que le pont Jacques-Cartier, et cette statue rayonnera de par le monde.
      9. Le Kébek Étudiant ne sera pas reconnu pour le gaz de schiste et son goût vicieux du profit, mais plutôt pour le grand schisme de notre asservissement au néo-libéralisme grégaire et à l’hégémonie économique. Nous ne parlerons plus du Bouclier canadien mais d’un maillage solidaire, spécialement québécois, qui protègera nos ressources humaines et naturelles.
      10. Nous aimerons notre prochain comme l’élan commun qui nous pousse vers un avenir meilleur, fiers d’être arrivés à faire ensemble un lieu neuf qui nous ressemble, nous rassemble et nous raconte.
      11. Nous ne conduirons plus de chars au gaz.

Nous portons en nous un feu de foyer et du bois de poêle pour lutter contre la grande noirceur des idées individualistes chauffées au charbon. Nous sommes un boisé touffu; une sève sucrée nous coule par le corps fier, le corps enraciné comme un chêne, cet arbre qui a vu Radisson, Donnacona, qui a vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours. C’t’histoire-là est pas arrivée à l’ami de l’ami d’un cousin, c’est not’ histoire tricotée serré avec de la laine d’outarde, histoire braquée sur le devenir ensemble, quelque chose comme le début d’une fin dans un pays qui a eu chaud longtemps, qui eu peur pour sa peau, mais qui cette fois reprend le large avec tout sauf une allure de porte-ordure.

Le Kébek Étudiant éclate de par son centre fleurissant de lysée dans l’avenir émancipé.

Nous VAINCRONS.

Nous bloquerons la hausse, vers la gratuité, et plus loin encore.

FERMAILLE TREMBLAY.
Lu sur: http://fr.calameo.com/read/0001079885639e1cba2f5

mardi 22 mai 2012

Soubresauts - Samuel Beckett


1
Assis une nuit à sa table la tête sur les mains il se vit se lever et partir. Une nuit ou un jour. Car éteinte sa lumière à lui il ne restait pas pour autant dans le noir. Il lui venait alors de l’unique haute fenêtre un semblant de lumière. Sous celle-là encore le tabouret sur lequel jusqu’à ne plus le pouvoir ou le vouloir il montait voir le ciel. S’il ne se penchait pas au-dehors pour voir comment c’était en dessous c’était peut-être parce que la fenêtre n’était pas faite pour s’ouvrir ou qu’il ne pouvait ou ne voulait pas l’ouvrir. Peut-être qu’il ne savait que trop bien comment c’était en-dessous et ne désirait plus le voir. Si bien qu’il se tenait tout simplement là au-dessus de la terre lointaine à voir à travers la vitre ennuagée le ciel sans nuages. Faible lumière inchangeante sans exemple dans son souvenir des jours et des nuits d’antan où la nuit venait pile relever le jour et le jour la nuit. Seule lumière donc désormais éteinte la sienne à lui celle lui venant du dehors jusqu’à ce qu’elle à son tour s’éteigne le laissant dans le noir. Jusqu’à ce que lui à son tour s’éteigne.

Une nuit donc ou un jour assis à sa table la tête sur les mains il se vit se lever et partir. D’abord se lever sans plus accroché à la table. Puis se rasseoir. Puis se lever à nouveau accroché à la table à nouveau. Puis partir. Commencer à partir. Pieds invisibles commencer à partir. A pas si lents que seul en faisait foi le changement de place. Comme lorsqu’il disparaissait le temps d’apparaître plus tard à nouveau à une nouvelle place. Puis disparaissait à nouveau le temps d’apparaître plus tard à nouveau à une nouvelle place à nouveau. Ainsi allait disparaissant le temps d’apparaître plus tard à nouveau à une nouvelle place à nouveau. Nouvelle place à l’intérieur du lieu où assis à sa table la tête sur les mains. Même lieu et même table que lorsque Darly mourut et le quitta. Que lorsque d’autres à leur tour avant et après. Que lorsque lui enfin à son tour. La tête sur les mains mi-souhaitant mi-redoutant chaque fois qu’il disparaissait qu’il ne réapparaisse plus. Ou simplement se le demandant. Ou simplement attendant. Attendant voir si oui ou non. Si oui ou non à nouveau seul n’attendant rien à nouveau.

Vu toujours de dos où qu’il aille. Même chapeau et même manteau que du temps de l’errance. Dans l’arrière-pays. Maintenant tel quelqu’un dans un lieu inconnu à la recherche de la sortie. Dans les ténèbres. A l’aveuglette dans les ténèbres de jour ou de nuit d’un lieu inconnu à la recherche de la sortie. D’une sortie. Vers l’errance d’antan. Dans l’arrière-pays.

Une horloge lointaine sonnait l’heure et la demie. La même que du temps où parmi d’autres Darly mourut et le quitta. Coups tantôt nets comme portés par le vent tantôt à peine par temps calme. Des cris aussi tantôt nets tantôt à peine. La tête sur les mains mi-souhaitant mi-redoutant lorsque sonnait l’heure que plus jamais la demie. De même lorsque sonnait la demie. De même lorsque les cris cessaient un moment. Ou simplement se le demandant. Ou simplement attendant. Attendant entendre.
Il fut un temps où de temps en temps il soulevait la tête suffisamment pour voir les mains. Ce que d’elles il y avait à voir. L’une à plat sur la table et sur elle à plat l’autre. Au repos après tout ce qu’elles firent. Soulevait feue sa tête pour voir ses feues mains. Puis la reposait sur elles au repos elle aussi. Après tout ce qu’elle fit.

Même lieu que celui d’où chaque jour il s’en allait errer. Dans l’arrière-pays. Où chaque nuit il retournait faire les cent pas dans l’ombre encore passagère de la nuit. Maintenant comme inconnu à celui vu se lever et partir. Disparaître et apparaître à nouveau à une nouvelle place. Disparaître encore et apparaître encore à une nouvelle place encore. Ou à la même. Nul indice que pas la même. Nul mur repère. Nulle table repère. Dans le même lieu que lors des cent pas toute place telle une seule. Ou dans un autre. Nul indice que pas un autre. Où jamais. Se lever et partir dans le même lieu que toujours. Disparaître et reparaître dans un autre où jamais. Nul indice que pas un autre où jamais. Seuls les coups. Les cris. Les mêmes que toujours.

Puis tant de coups et de cris sans qu’il soit reparu qu’il ne reparaîtra peut-être plus. Puis tant de cris depuis les derniers coups qu’il n’y en aura peut-être plus. Puis un tel silence depuis les derniers cris que même d’eux il n’y en aura peut-être plus. Telle peut-être la fin. Ou peut-être rien qu’une accalmie. Puis tout comme avant. Les coups et cris comme avant et lui comme avant tantôt là à nouveau tantôt à nouveau parti. Puis l’accalmie à nouveau. Puis tout à nouveau comme avant. Ainsi de suite et de suite. Et patience en attendant la seule vraie fin des heures et de la peine et de soi et de l’autre à savoir la sienne.

2
Tel quelqu’un ayant toute sa tête à nouveau dehors enfin ne sachant comment il ne s’y était trouvé que depuis peu avant de se demander s’il avait toute sa tête. Car de quelqu’un n’ayant pas toute sa tête peut-on raisonnablement affirmer qu’il se le demande et qui plus est sous peine d’incohérence s’acharne sur ce casse-tête avec tout ce qu’il lui reste de raison ? Ce fut donc sous les espèces d’un être plus ou moins raisonnable qu’il émergea enfin ne sachant comment dans le monde extérieur et n’y avait pas vécu plus de six ou sept heures d’horloge avant de commencer à se demander s’il avait toute sa tête. Même horloge dont inlassablement lors de sa réclusion les coups sonnaient l’heure et la demie et donc d’abord en un sens de nature à le rassurer avant d’être finalement une source d’inquiétude en tant que pas plus nets à présent que lorsque amortis en principe par ses quatre murs. Puis il chercha du réconfort en songeant à qui le soir venu se hâte vers le couchant afin d’obtenir une meilleure vue de Vénus et n’y trouva aucun. Du seul autre son à animer sa solitude celui des cris pendant qu’en perte de souffrance il subsistait à sa table la tête sur les mains il en allait de même. De leur provenance celle des coups et des cris il en allait de même en tant que tout aussi irrepérable à l’air libre que normalement depuis l’intérieur. S’acharnant sur tout cela avec tout ce qu’il lui restait de raison il chercha du réconfort en songeant que son souvenir de l’intérieur laissait peut-être à désirer et n’y trouva aucun. S’ajoutait à son désarroi sa marche silencieuse comme lorsque nu-pieds il arpentait son plancher. Ainsi tout ouïe de pis en pis jusqu’à cesser sinon d’entendre d’écouter et se mettre à regarder autour de lui. Résultat finalement il était dans un pré ce qui avait au moins l’avantage d’expliquer sa marche silencieuse avant un peu plus tard comme pour s’en racheter d’accroître son trouble. Car il n’avait souvenance d’aucun pré du coeur même duquel nulle limite n’était visible mais d’où toujours en vue quelque part une fin quelconque telle une clôture ou autre manière de borne à ne pas dépasser. Circonstance aggravante en regardant de plus près l’herbe n’était pas celle dont il croyait se souvenir à savoir verdoyante et broutée de près par les divers herbivores mais longue et de couleur grisâtre voire blanche par endroits. Puis il chercha du réconfort en songeant que son souvenir du dehors laisssait peut-être à désirer et n’y trouva aucun. Ainsi tout yeux de pis en pis jusqu’à cesser sinon de voir de regarder autour de lui ou de plus près et se mettre à réfléchir. A cette fin faute d’une pierre sur laquelle s’asseoir à la manière de Walther et croiser les jambes il ne trouva pas mieux que de se figer debout sur place ce qu’au bout d’une brève hésitation il fit et bien entendu de pencher la tête à l’image de quelqu’un abîmé dans ses pensées ce qu’au bout d’une autre brève hésitation il fit aussi. Mais vite las de fouiller en vain dans ces ruines il reprit sa marche à travers les longues herbes blafardes résigné à ignorer où il était ou comment venu ou où il allait ou comment retourner là d’où il ignorait comment parti. Ainsi allait tout ignorant et nulle fin en vue. Tout ignorant et qui plus est sans aucun désir de savoir ni à vrai dire aucun d’aucune sorte et par conséquent sans regrets sinon qu’il aurait désiré que cessent pour de bon les coups et les cris et regrettait que non. Coups tantôt à peine tantôt nets comme portés par le vent mais pas un souffle et cris tantôt nets tantôt à peine.

3
Ainsi allait avant de se figer à nouveau lorsqu’à ses oreilles depuis ses tréfonds oh qu’il serait et ici un mot perdu que de finir là où jamais avant. Puis long silence long tout court ou si long que peut-être plus rien et puis à nouveau depuis ses tréfonds à peine un murmure oh qu’il serait et ici le mot perdu que de finir là où jamais avant. En tout cas quoi que ça pût être que de finir et ainsi de suite n’y était-il pas déjà là même où il se trouvait figé sur place et plié en deux et sans cesse à ses oreilles depuis ses tréfonds à peine un murmure oh qu’il serait quoi et ainsi de suite ne se trouvait-il pas à en croire ses yeux déjà là où jamais avant ? Car même un tel que lui s’étant trouvé une fois dans un lieu pareil comment n’aurait-il pas frémi en s’y retrouvant ce qu’il n’avait pas fait et ayant frémi cherché du réconfort en songeant soi-disant qu’ayant trouvé le moyen d’en sortir alors il pouvait le retrouver pour en sortir encore ce qu’il n’avait pas fait non plus ? Là donc tout ce temps où jamais avant et quelque part qu’il cherchât des yeux nul danger ou espoir selon le cas d’en jamais sortir. Fallait-il donc comme si de rien n’était pousser de l’avant tantôt dans une direction tantôt dans une autre ou au contraire ne plus bouger selon le cas c’est-à-dire selon ce mot perdu lequel s’il s’avérait négatif tel que malheureux ou malvenu par exemple alors évidemment malgré tout l’un et au cas contraire alors évidemment l’autre à savoir ne plus bouger. Tel à titre d’échantillon le vacarme dans son esprit soi-disant jusqu’à plus rien depuis ses tréfonds qu’à peine de loin en loin oh finir. N’importe comment n’importe où. Temps et peine et soi soi-disant. Oh tout finir.

jeudi 10 mai 2012

Piégé - Charles Bukowski


ne déshabillez pas mon amour
vous risqueriez de trouver un mannequin ;
ne déshabillez pas le mannequin
vous risqueriez de trouver mon amour

elle m'a oublié
depuis belle lurette.

elle est en train d'essayer un nouveau
chapeau
et paraît plus
coquette
que jamais.

c'est une
enfant
et un mannequin
et
la mort.

je ne peux pas haïr
une telle chose.

elle n'a rien
fait
d'inhabituel.

or je voulais
qu'elle le fasse.