lundi 26 juin 2017

Les Serranos - La ville et les chiens - Extrait


      Par contre, qu'est-ce ça m'a choqué en entrant ici (un college) de voir cette quantité de serranos. On dirait que toute la Puna s'est donné rendez-vous ici, ..., vingt dieux, des serranos jusqu'au bout des ongles, comme ce pauvre Cava. Dans la section il y en a plusieurs mais chez lui ça se voyait plus que chez n'importe qui d'autre. Ces cheveux! J'arrive pas à m'expliquer comment un homme peut avoir des cheveux raides. Il y a pas de doute, ça lui faisait honte. Il voulait se les aplatir et il s'achetait je ne sais quelle brillantine, il s'en baignait la tête pour que ses cheveux ne se hérissent pas, il devait en avoir mal au bras à force de se peigner et de se passer des saloperies. On aurait dit qu'ils se fixaient lorsque, tac, un cheveux se relevait, puis un autre, et puis cinquante, et puis mille, surtout ceux des pattes, là où les cheveux des serranos se hérissent comme des aiguilles, et derrière aussi, au-dessus de la nuque. Le serrano Cava était à moitié fou tellement on lui en faisait baver à cause de ses cheveux et de sa brillantine qui répondait une odeur dégueulasse de pourriture. Je me rappellerai toujours comme on lui en faisait baver quand il se ramenait avec la tête brillante, on l'entourait tous et on se mettait à compter, un, deux, trois, quatre, à tue-tête, on était pas arrivé à dix que ses cheveux avaient déjà sautés, il en était vert, et ses cheveux qui sautaient l'un après l'autre, avant qu'on ait compté jusqu'à cinquante, ses cheveux lui faisaient comme un chapeau d'épines.

La ville et les chiens, Mario Vargas Llosa, pp. 305.

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